Max Pinchard

« De toutes mes forces, j’ai voulu bâtir une oeuvre de compositeur, mais je n’ai pas voulu séparer cette vocation d’une inlassable action en faveur de la culture et de la diffusion de la musique »

Max Pinchard

Max Pinchard est décédé le 12 décembre 2009, à l’âge de 81 ans, à Grand-Couronne, où il vivait depuis de nombreuses années. Sa famille et ses amis lui ont rendu hommage le 16 décembre en l’église de Grand-Couronne. La Normandie vient de perdre l’un de ses plus brillants compositeurs contemporains et Grand-Couronne une de ses personnalités les plus respectées.

Le Conseil Municipal de Grand-Couronne a décidé, le 17 décembre 2009, de nommer les locaux du site de Grand-Couronne :

« Conservatoire à Rayonnement Départemental Max Pinchard »

Petite biographie de Max Pinchard


Max Pinchard est né au Havre le 21 juillet 1928. C’est sous l’influence de son père, clarinettiste amateur, qu’il fut initié dès l’âge de 4 ans à la musique. Après avoir fait ses études générales au Havre, Max Pinchard a étudié au conservatoire de Rouen. Il entame ensuite une carrière d’enseignant au Lycée François Ier du Havre dès 1949. Après son service militaire à Saint-Maixent où il put développer ses talents de chef d’orchestre et de choeur, Max Pinchard reprit son activité de professeur de musique au Havre. Il quitte ensuite le littoral pour s’installer en agglomération rouennaise où il sera le directeur de l’école de musique de Saint-Etienne du Rouvray, puis de l’école nationale de musique et de danse de Petit-Couronne et Grand-Couronne.

La pratique de la musique sous des formes diverses l’a accompagné toute sa vie durant. Il fut à la fois et entre autres musicien, chef d’orchestre, compositeur, professeur de musique, critique musical et directeur d’écoles de musique.

Il est l’auteur d’une oeuvre musicale variée et importante : symphonies, concertos, cantates, oratorios, oeuvres chorales et vocales, musique de chambre, ainsi que de nombreux hommages aux instruments solistes, en particulier le piano et les cordes. Attentif aux évolutions artistiques, il n’en était pas moins un indépendant, soucieux d’humanisme et à la recherche d’un langage qui parle à tous, quelles que soient les sensibilités.

Chez Max Pinchard, l’homme d’action a beaucoup apporté au compositeur et l’un serait difficilement concevable sans l’autre. Il a ainsi exercé des activités variées tout au long de sa vie :

  • Enseignant au Lycée François 1er du Havre de 1953 à 1972, au Conservatoire de Rouen (classes d’histoire de la musique et d’orchestre) ainsi qu’à la Faculté des Lettres de Mont-Saint-Aignan
  • Président de la Maison de la Culture André Malraux du Havre de 1964 à 1968
  • Directeur d’écoles de musique, à Saint Etienne du Rouvray de 1972 à 1977, puis à Grand-Couronne et Petit-Couronne, de 1977 à 1991
  • Auteur de plusieurs ouvrages littéraires :
    Introduction à l’Art musical, Les Editions Ouvrières, 1957,
    Connaissance de Georges Migot, musicien français, Les Editions Ouvrières, 1959,
    Ma Discothèque classique, Editions Marabout, 1963,
    Ma discothèque de Variétés, Editions Marabout, 1964,
    A la Recherche de la Musique Vivante, Les Editions Ouvrières, 1967,
    Influence du chant grégorien sur la musique, (Encyclopédie des Musiques sacrées, Tome II), Editions Labergerie-Mame, 1969,
    Les Musiciens de l’Espérance, André Caplet, Lili Boulanger, Jean Cartan, (Encyclopédie des Musiques sacrées, Tome III) Editions Labergerie-Mame, 1971
  • Auteur de milliers d’articles et d’études dans les revues Musica, La revue du Son, Electronique pour vous, Diapason
  • Directeur de collections musicales :
    Musique instrumentale classique, l’Astrée
    Musique instrumentale contemporaine, le Verseau
    Collections pédagogiques : Couleur des vents, Vivre la musique en liberté
    Musique religieuse : Lumen Christi
  • Chef d’orchestre, tourné essentiellement vers la création d’oeuvres contemporaines
  • Membre du Conseil Economique et Social de Haute Normandie (de1983 à 2001) au titre de la Culture, Membre de l’Académie des Sciences, Belles-lettres et Arts de Rouen (depuis 1979), Chevalier dans l’Ordre des Palmes Académiques (1968), Chevalier dans l’Ordre des Arts et des Lettres (1990).

La musique de Max Pinchard


Max Pinchard s’intéressait beaucoup aux arts et à leurs liens avec la musique et au premier rang des quels figure la poésie. Ceci explique que son catalogue accorde une grande place aux oeuvres vocales, mélodies, choeurs, cantates, au service de poètes tels que Paul Claudel, Jean Rousselot, Gérard Murail, André Chardine et son propre fils, Bruno Pinchard. Max Pinchard aimait passionnément la voix. « La mélodie, disait-il, est une conversation chantée dans l’intimité. Elle est le tracé du chemin poétique dont l’aboutissement est celui qui attend et reçoit. » Son attachement à la voix est sans doute lié au goût de sa mère pour l’art lyrique et à ses expériences de jeunesse d’organiste, qui lui firent découvrir le chant grégorien.

La filiation musicale revendiquée par Max Pinchard se trouve dans la grande tradition des compositeurs français : François Couperin, Jean-Philippe Rameau, Hector Berlioz, Claude Debussy. Il aime tout particulièrement Maurice Ravel, sa perfection technique, ses raffinements, mais aussi Hector Berlioz, Arthur Honegger, Albert Roussel, Olivier Messiaen, Henri Dutilleux, Luciano Berio et Krzysztof Penderecki. Les chefs-d’oeuvre de la musique qu’il aimait citer sont : Tristan et Yseult de Richard Wagner, Boris Godounov de Modeste Moussorgski, Pelléas et Mélisande de Claude Debussy et Wozzeck d’Alban Berg. Mais la rencontre la plus déterminante pour son parcours de compositeur fut sans doute celle de Georges Migot, qui fut son professeur et qu’il appelait « son patron ». Humaniste, homme d’une très grande culture, peintre, poète, essayiste et avant tout, compositeur. Max Pinchard avait su suivre les conseils de son maître et ami : « L’oeuvre n’est pas une abstraction, mais un rayonnement. Elle n’est pas un égoïsme, mais un don, un don alterné du coeur à l’intelligence et de l’intelligence au coeur ».

Voici comment Max Pinchard décrivait son langage dans l’ouvrage collectif Max Pinchard, un compositeur, aujourd’hui, éditions Arcam, 1982 : « Mon langage est, et sera pour longtemps en gestation. Je ne souhaite pas l’enfermer dans le cadre d’une trouvaille qui ne serait peut-être qu’un faux-semblant. En outre, il me semblerait étrange d’utiliser un même langage pour des situations compositionnelles diversifiées. Je souhaite garder une large liberté, d’autant que ce n’est peut-être pas le langage qui est ma préoccupation essentielle. (…) J’utilise un langage modal élargi ordonné par une écriture contrapunctique rigoureuse dont les résultantes harmoniques sont enrichies par un goût marqué pour les agrégats sonores. »

Max Pinchard et l’interrogation religieuse


La vie et la musique de Max Pinchard ne peuvent pas être évoquées sans aborder le thème de sa croyance en Dieu. Dans Max Pinchard, un compositeur, aujourd’hui, éditions Arcam, 1982, il évoque ses questionnements et ses aspirations dans ce domaine : « Même si je ressens, -et j’assume- la violence et la tendresse humaines, en fait les pouvoirs de l’homme, il me semble que, malgré les apparences, une direction est suggérée. Peut-on parler d’un ordre de l’Esprit ? Le pari pascalien, j’aimerais en renverser le point de départ. Exalter d’abord les forces mises à la disposition de l’homme. Aller aussi loin que possible dans cette direction tout en portant la sourde, l’angoissante question : et ensuite… (…) La Parole de Dieu ne se révèle pas aisément. C’est un long, un obscur cheminement. Aussi je préfère prendre en compte le plus complètement possible l’autre chant du monde, celui de l’homme transformant le monde. L’outil que je façonne avec mes forces me permettra-t-il de débusquer, de forcer l’inconnu pour un trop court instant ? La Nuit et le Silence ont-ils une signification ? La Musique est-elle élue pour retourner à l’Esprit ? Questions fondamentales ou balbutiements apeurés ? La dimension sociale de la culture, malgré l’immensité de son champ d’action, n’apporte pas toutes les réponses. Le regard de l’homme sur lui-même demeure plus aigu que jamais, malgré le tumulte du quotidien. Faut-il y lire les signes de l’amour ou l’éternel silence du néant ? La vie, pour lors, apporte sa réponse militante. C’est un point d’appui. Mais elle a toutes les ambiguïtés de l’évidence. »

Beaucoup de ses oeuvres, en particulier la plupart des oeuvres pour choeur, sont religieuses ou inspirées de la religion :

  • Certaines, sur des textes de Gérard Murail : Les préludes pour grand orgue pour le chemin de la Passion, Trois chorals du signe de la croix et Trois antiennes de Noël pour 4 voix mixtes, Psautier de la semaine, cantate de chambre, Grand psaume de consolation
  • D’autres, sur des textes de Pierre Corneille : Oraison pour obtenir de Dieu la grâce de la Dévotion et Sainte unité de trois, d’Agrippa d’Aubigné : Prière du soir pour 4 voix mixtes ou encore de Paul Claudel : La Messe là-bas.
  • On notera également une oeuvre sur des textes de Jean-Paul II : L’éternité est entrée dans le temps et La courbe des saisons, d’après Nicolas Poussin, Virgile, la Bible et des Psaumes
  • Mais aussi : Les quatre Notre-Dame, Alleluia, Office pour une communauté paroissiale, messe à 2 voix mixte et orgue, Cinq prières liturgiques, Petite Cantate de Noël, Magnificat…

Max Pinchard et Grand-Couronne


« Ma vie fut dévouée à l’action culturelle et à la diffusion de la musique dans tous les milieux »

Etre en musique signifiait en effet pour lui, d’abord   composer, mais aussi agir à tous les niveaux dans et par la musique. Max Pinchard aurait pu avoir des fonctions parisiennes ; il a préféré contribuer à l’enrichissement culturel et musical de notre région, comme compositeur, comme chef, comme pédagogue. Il a fortement marqué de son empreinte la vie des habitants de Grand-Couronne. C’est à l’automne 1975 qu’il prit ses fonctions de Directeur de l’Ecole Nationale de Musique et de Danse de Grand-Couronne en remplacement de Ronald Chalmé. Très rapidement, il s’est imposé comme un animateur musical hors pair et a insufflé à l’école un nouvel élan. Cet établissement a ainsi connu un rayonnement débordant largement le territoire de Grand-Couronne. Dans ce domaine, on lui doit, entre autres, la création dès 1975, du Collectif d’Animation Musicale, de l’orchestre symphonique et de la chorale, le développement de l’enseignement de la danse et des classes à horaires aménagés. Plus tard il créa un Orchestre de Chambre qu’il dirigea jusqu’en 1996. C’est Max Pinchard et Jean Salen, Maire de Grand-Couronne, qui furent les instigateurs de la création en 1982 du syndicat intercommunal de l’Ecole Nationale de Musique et de Danse de Grand-Couronne et Petit-Couronne. Pendant les 16 années où il a dirigé cette école, le nombre d’élèves, de disciplines enseignées et de formations collectives a augmenté considérablement.

Son attachement à Grand-Couronne s’était concrétisé en particulier par la composition en 1977 du triptyque « La forêt, le fleuve, la ville », oeuvre dédiée à cette ville pour le 10me anniversaire de la fondation de l’Ecole Nationale de Musique et de Danse.

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